Aujourd'hui pour la dernière fois je prends un cachet. Pour la dernière fois je suis sous antidépresseur. Cela fera bientôt trois ans que j'ai été diagnostiquée avec une dépression sévère, en partie due à un "Burn out", littéralement un épuisement total. Fin 2010, au bout du rouleau, lessivée, plus l'énergie de rien, mon généraliste me réfère à un psychiatre qui me donne des antidépresseurs (et m'écoute beaucoup). 32 mois que je suis sous antidépresseurs. Heureusement, aujourd'hui j'arrête.
Pourquoi parler d'une dépression? c'est personnel, un peu (beaucoup?) tabou. Et de toute façon c'est dans ma tête. Ça ne se voit pas, c'est pas comme ci je m'étais casser la jambe et que j'avais un joli plâtre pour le prouver.
Mon premier contact avec la dépression fut, il y a quelques années, lorsqu'une amie très chère à mon cœur eut une dépression. J'étais si désemparée, je ne savais pas comment la soutenir. J'ai fait de mon mieux. Je n'ai pas jugé. Je pense avoir été présente autant que possible, au téléphone à cause de la distance, en l'appelant tous les jours dans les pires moments. Malgré ma bonne volonté, je n'ai pas compris. Je ne comprenais pas qu'on puisse être si mal que dormir, manger, sortir, et travailler deviennent impossible.
Puis, je suis tombée dans un trou noir. J'ai vécu, j'ai ressenti et j'ai compris.
Je ne veux pas trop m'étendre ici sur les causes de ma dépression. Pour résumer, j'ai fait 3 années et demi de thèse, suivies de dix mois de Postdoctorat. Ma directrice de thèse (Doktormutter en Allemand) est une femme avec qui il fut difficile de travailler, qui me donna très peu de soutien. Très critique et exigeante, elle réussi à annihiler toute confiance en mon travail, et en moi-même par conséquent. Elle jugeait l’assiduité de ses étudiants aux résultats ce qui en science expérimentale est ridicule et frustrant. Sachant qu'on peut passer des jours sur des expériences qui ne marcheront peut-être pas, remettre en cause la quantité de travail fournie par les résultats obtenus n'a pas de sens. Qui dit thèse dit de grosses semaines de travail, beaucoup de stress. Je travaillais dans un grand institut scientifique, avec beaucoup de moyens, une forte pression pour réussir, et une forte compétition non avouée entre les étudiants. (S'il bosse le weekend et pas moi = il est meilleur que moi). Cela n'a pas aidé. Par dessus tout, je me suis perdue, oubliée dans mon travail. Je n'ai pas entendu mon organisme qui criait stop. (Ouf, heureusement que je ne m'étends pas hein.)
Quand je réalise que ça ne va pas du tout, il est trop tard, je suis au fond d'un trou. Dormir est difficile, je fais insomnie sur insomnie. Si je suis seule je ne mange pas, je n'ai pas faim. Je suis épuisée tout le temps. Certains matins, seule, Doudou est en déplacement, je ne me lève plus. Mon organisme est tellement tendu que j'ai des crampes de stress, même dans mon sommeil. Mon cerveau est comme en hibernation, je n'arrive plus à lire d'articles scientifiques, je lis une page trois fois sans comprendre. Je n'arrive plus à lire mes emails ou répondre au téléphone sans peurs. Je n'ai plus envie de rien, je n'existe plus en tant que personne, tout m'est égal, je veux juste tirer la couette au dessus de ma tête et disparaître... Qu'on me laisse au fond du trou noir.
Les mois qui suivirent furent très difficiles parce que je ne me reconnaissais pas. Il me fallu plusieurs mois, pour accepter que j'étais malade, pour accepter que ce n'était pas dans ma tête. Ou plutôt, c'est tellement dans la tête que la chimie du cerveau en fut détraquée. Les hormones du cycle jour nuit étaient à l'Ouest, il m'était impossible de m'endormir car mon cerveau n'avais plus de bouton on/off qui tienne la route. Après plusieurs nuits sans dormir ou presque, je m'endormais d'épuisement. Après plusieurs mois de traitements et même 12 heures de sommeils par nuit, je restais épuisée. J'étais incapable de travailler, incapable de lire, incapable de pratiquer l'anglais ou l'allemand pourtant mon quotidien d'avant, incapable de faire une tache ménagère, de cuisiner, incapable de sortir faire des courses, le moindre choix (acheter du chou-fleur ou du brocoli) devint une épreuve à franchir. En outre, ce qui fut odieux les premiers mois, les faux espoirs de mieux avec des humeurs en dents de scie, une semaine de mieux avant trois de rechute. Grimper hors du trou, pour mieux y retomber, douter qu'on en sortira jamais. L'horreur d'imaginer cet endroit comme résidence permanente.
Les médicaments (que j'avais honte de prendre au début, c'est que dans ma tête hein) et une psycothérapie avec un thérapeute français (c'était pas gagné en Allemagne) vont m'aider petit à petit à guérir. La thérapie m'aide à accepter que cette personne malade n'est pas moi, que mon moi est en vacances, en veille, mais peux et va revenir. Mon thérapeute m'aide à comprendre les symptômes et les causes. Par exemple, si vous étiez une souris face à un chat, vous fuiriez. Si vous êtes dans une position intenable face à un boss surpuissant; sortir en courant de son bureau et aller vous cacher n'est pas une option. Alors vous subissez, vous rester là pendant que tout votre organisme vous dit de fuir. Votre organisme accumule des hormones de stress mois après mois, jusqu'à la rupture.
Après l'acceptation, il y a la convalescence dans laquelle je suis encore. Vivre au ralenti, prendre avec bonheur les phases de mieux, admettre quand ça ne va pas. Heureusement, depuis un an (et la naissance de Papoï) je vais de mieux en mieux, suffisamment pour arrêter mes médicaments progressivement depuis un mois.
Pourquoi en parler? Parce que comprendre que ce que je vis est une maladie, l'accepter et savoir que cela se soigne, accepter avoir besoin d'aide, accepter que la guérison est lente, non linéaire, cela prend du temps et en parler aide. Savoir que d'autres passent par là aide.
Depuis quelques temps j'en parle plus autour de moi, sans honte surtout avec des personnes qui ont des phases dépressives ou en tout cas pas le moral. J'ai eu l'impression que pouvoir me parler à cœur ouvert aidait. J'ai ressenti le soulagement d'avoir le droit d'en parler sans honte, d'être écouté. Les personnes qui nous sont les plus proches ne peuvent pas facilement aider et comprendre car souvent elle ne reconnaisse plus l'être qu'elles aiment.
La dépression est une maladie. Une maladie ça se soigne et ce n'est pas honteux. Si vous voulez en parler faites le, et laissez ceux que ça gène râler.
Mon plus grand soutien: mon Doudou. La joie quand il m'a dit qu'il me retrouvais enfin, qu'il avait revu mon sourire.
Je triche c'est un vieux sourire :-) |
Notre jeu à nous: Un deux trois sourire. Parce que la vie continue, elle est plus belle avec le sourire.
Je t'aime et oui, nous voyons que tu va mieux, petit à petit et ça nous réjouit.
RépondreSupprimerBien sûr que tu n'y es pour rien, juste que tu a foncé droit dans le mur et que nous n'avons pas su nous en rendre compte... et j'en suis bien triste.
Mais oui, ce dernier cachet est ta décision, ton succès contre ce qui t'enfermait toute seule.... et YOUPIIII :)
Je t'ai lu hier soir ! et je n'ai pas su quoi répondre sur le moment tant ton récit ma bouleversé.
RépondreSupprimerJe trouve ça bien et très courageux de te livrée ici, comme ça sans tabou, j'ai aussi été en dépression après la naissance de mon loulou, alors je peux que comprendre,
je t'envoi plein de soutien et de courage pour continué à te battre, à avancer et surtout garder ce magnifique sourire !!!